GEOPOLITIQUE : REFLEXIONS D’UN BURKINABE

 

Ancien élève de l’école de Pelcia, Noaga Konkombo, nous livre périodiquement ses réflexions sur l’actualité.

 

De mon affectation à Banfora

 

J’ai été affecté au Centre Hospitalier Régional de Banfora. C’est une nouvelle expérience professionnelle et culturelle pour moi. Je suis dans le chef-lieu de la région administrative des Cascades dont une portion est en proie au terrorisme. Elle est située dans l’Ouest du Burkina à 460km de Ouagadougou. J’y suis depuis janvier 2022, et l’adaptation se déroule très bien.

 

De l’évolution du terrorisme au Burkina Faso :

entre historiographie, anthropologie et politiques publiques

 

C’est une réalité, le phénomène semble prendre du terrain de plus en plus. Cela est dû à l’explosion du grand banditisme et des frustrations de plus en plus ressenties par les populations victimes envers l’Etat Central. Le terrorisme est ainsi perçu, en tout cas par nous, comme un amplificateur des maux sociaux.

Les attaques les plus proches de Pelcia se situent au-delà d’un rayon de 100km. Il faut préciser que ce sont des attaques sporadiques sans prise véritable de territoires à l’intérieur de ce rayon.

Les causes premières de cet état de fait sont bien sûr le fondamentalisme ou l’extrémisme religieux entretenu par les conflits communautaires ; la stigmatisation ethnocentrée ; l’inégale répartition des interventions des politiques publiques en matière d’éducation, de santé, d'eau, d’agriculture, de justice sociale ; le manque d’encadrement du boom minier… Et à voir la cartographie des attaques et des territoires occupés on peut aisément la superposer à celle des problématiques sus-citées. Les peuples collectivement sont causes, conséquences et solutions des problèmes fabriqués par le crissement entre identité et ouverture, entre le choix des élites et la responsabilité des masses. Ce sont des défis qui engagent un leadership affirmé et participatif et, nous espérons que les nouvelles autorités de notre pays, terre des hommes intègres sauront impulser cette dynamique. Ceci dit, à la vue de ce qui précède, objectivement, je ne m’inquiète pas pour Pelcia.

Par ailleurs je suis porteur d’un lobbying auprès des autorités compétentes en faveur d’une guerre des communautés contre ce mal de notre peuple. Et nous sommes de plus entendu. L’idée centrale est que les communautés locales sont les murailles à même d’éradiquer cette hydre. C’est une stratégie holistique qui renforce l’idée de la vie en communauté à la mime d’une philosophie africaine « UBUNTU » qui dit : « Je suis parce que nous sommes ». Peu à peu nous sommes entendus.

 

 

De la guerre en Ukraine : une ambiguïté géopolitique et humanitaire pour certains africains

 

D’emblée, je dois dire que le peuple d’Ukraine est piégé et martyrisé par un conflit géopolitique malsain entre la Russie d’aujourd’hui, nostalgique de sa grandeur d’hier et, l’Occident avec les USA en tête assoiffé d’instaurer un ordre mondial évoluant à sa guise. Et cela est malheureux pour nos frères et sœurs d’Ukraine. Il suffisait d’une phrase pour nous éviter cette urgence humanitaire et économique surréaliste. Nous accusons les idéologies du monde. Lesquelles idéologies de manière insidieuse manipulent nos émotions, nos consciences pour assouvir des désirs parfois funestes pour l’humanité et l’humanisme.

En outre, fait saisissant, certains africains ou noirs résidant dans ce pays et fuyant la guerre comme leurs frères et sœurs ukrainiens sont sélectivement refoulés et cela est de nature à exacerber cette fracture chromatique ou géographique et même civilisationnelle du monde.

Nous sommes parfois sidérés par les contradictions des réponses occidentales du moins des élites occidentales aux laideurs du monde d’hier et d’aujourd’hui. Ils prétendent être contre la guerre mais continuent de livrer des armes aux ukrainiens qui se font massacrer tellement les forces en présence sont disproportionnées. Pourtant, ils savent bien ce qu’il faut dire pour que la guerre s’arrête. Nous avons en souvenir l’enlisement de la guerre en Afghanistan. Nous avons en souvenir que les USA ont détruit l’Irak à un moment donné sur un mensonge d’Etat et rien… La France et ses alliés ont détruit la Libye et rien…

C’est ainsi parce que leurs raisons quoique fausses sont légitimes… La morale à géométrie variable. Cela est un précédent grave pour l’instauration et le maintien de la paix dans le monde.

Je ne parlerai pas de la Russie car je pense que ce conflit est la résultante paradoxalement de la dictature sournoise du monde dit libre.

Nos osons croire que les personnes mandatées par les peuples du monde désireux de paix et de succès et de prospérité seront à la hauteur des événements de l’heure.

 

L’impact économique de la guerre en Ukraine : la mondialisation au bûcher !

 

Vous avez parfaitement raison. L’impact est considérable surtout au Burkina Faso. Déjà que notre situation sécuritaire et climatique avait instauré une austérité ambiante, cette crise économique vient l’exacerber. Les prix des denrées alimentaires passent du simple au double, parfois au triple ou au quadruple. Nous espérons la fin rapide de cette guerre des élites qui oublient, nous semble-t-il, les masses paysannes en lutte quotidienne contre la misère. Nous suspections une montée vertigineuse des idéologies nationalistes avec leurs corollaires d’instabilité sociopolitique. La mondialisation tant prônée trouve là des raisons de son autolyse ou au mieux de son agonie.

 

 

De la COVID-19 : les agonies du SRASCOV-2

 

J’espère que même si votre région est durement touchée, il s’agit simplement du taux de morbidité (nombre de personnes affectées) qui est élevé et non celui de létalité (nombre de décès). Les multiples confinements, les mesures barrières, les restrictions de liberté et d’activité, que de sacrifices consentis collectivement pour vaincre un virus. Quelle vulnérabilité ! mais aussi quels enseignements !

La vaccination contre la covid-19 et son efficacité interrogent mais pour des raisons de santé publique nous poursuivrons en attendant, soit l’effet du vaccin naturel (fameuse immunité collective) ou un nouveau bien meilleur. Vivement que la situation sanitaire s’améliore.

Ici nous n’en parlons presque plus ; c’est devenu comme un rhume banal. Le test est surtout fait pour ceux qui veulent voyager. Je suis personnellement vacciné pour donner l’exemple autrement je suis parmi ceux qui ont acquis une immunité naturelle qui dans ce cas précis n’est pas différente du vaccin…...

 

 

KONKOBO Noaga : Docteur d’Etat en Médecine